" Regarde ! J'habite dans une maison de
cèdre et l'arche de Dieu habite sous la tente.
", voici ce que dit le roi David au
prophète Nathan.
David, vous vous en rappelez, est cet un homme
qui n'hésite pas à faire tuer le mari de la
femme qu'il a prise.
Et pourtant la Bible le décrit comme un homme
selon le coeur de Dieu.
Le nom qu'il porte signifie bien-aimé, il est le
bien-aimé de Dieu.
Etonnant ! Etonnant amour de Dieu pour l'homme
pêcheur !
Non seulement Dieu aime cet homme pêcheur, mais
de plus il lui a tout donné.
Il l'a fait roi, il a détruit ses ennemis, il en
a fait un homme riche et respecté.
Mais, tout recevoir d'un autre, c'est trop.
Alors David se culpabilise, il voudrait faire
quelque chose pour son Dieu, il veut lui faire
une maison en dur, et Dieu refuse.
Non seulement il refuse, mais en plus il dit à
David, que c'est lui Dieu qui construira une
maison à David, qu'il lui donnera une
descendance et une royauté qui ne s'éteindront
jamais.
Pourquoi Dieu refuse-t-il l'offre de David ?
Un temple en dur, en cèdre, avec de l'or et des
pierres précieuses. Cela n'est pas si mal,
d'ailleurs c'est bien ce que fera le fils de
David, Salomon : un temple magnifique.
Cette histoire vieille de trois mille ans
peut-elle nous apprendre quelque chose sur Dieu ?
Pour en savoir plus, je vous propose d'avancer de
1000 ans dans l'histoire et d'écouter ce qui se
passe dans cette maison de Nazareth, où une
jeune fille vierge a été accordée en mariage
à un charpentier de la lignée de David.
Gabriel entre chez elle.
Et que fait-il cet ange?
Il lui dit qu'elle est comblée de grâce par
Dieu.
Cela signifie qu'elle va concevoir et enfanter un
fils, qu'elle va être la demeure qui donnera une
vie humaine au Verbe divin.
Cette maison qu'elle est, Marie ne l'a pas
construite, mais elle lui a été donnée.
Cette irruption de la vie divine en elle, elle ne
l'a pas déterminée, mais elle l'accueille.
Si elle peut l'abriter, c'est parce qu'elle
s'inscrit comme le fruit d'une longue tradition
familiale et religieuse d'hommes et de femmes
creusés par le cri dans l'attente de la
libération, c'est parce qu'elle appartient à
cette lignée de pauvres qui cherchent Dieu.
Et l'espace intérieur de Marie est tellement
vaste qu'elle peut comprendre et accepter que
Dieu puisse venir dans son peuple d'une façon
tout à fait nouvelle et unique, en venant dans
la chair humaine, en venant dans son corps.
Accepter de se laisser emmener par Dieu jusqu'à
la véritable terre promise, voilà quel a été
le chemin du peuple juif depuis David jusqu'à
Marie.
Et c'est aussi celui qui nous est proposé.
Mais nous nous égarons comme David.
Nous voudrions tellement construire pour Dieu,
une maison qui puisse lui convenir. Nous
voudrions être des êtres parfaits et
irréprochables.
Et quand nous disons irréprochables, nous
voulons dire conformes à l'idée que nous avons
de la perfection.
Et cette conception est tellement éloignée de
notre réalité que nous ne pouvons que repousser
la venue de Dieu en nous. "
Non pas encore Seigneur. La maison n'est pas
assez belle, pas assez grande, pas assez
lustrée.
Or, nous oublions que Dieu ne cherche pas un
temple d'or et de cèdre pour habiter, mais qu'il
se plaît dans une tente, c'est-à-dire dans une
maison fragile, une toile qui peut se déchirer,
qui peut être abîmée par la pluie et le
transport.
Dieu se contente d'un coffre, une caisse de bois
brut, il se satisfait d'être au milieu de son
peuple, un agrégat d'individus mal dégrossis.
L'arche dont parle David, qui était le signe
visible de la présence de Dieu parmi son peuple
au désert, était une boîte dans laquelle il y
aurait eu les tables de la Loi, les Dix Paroles
données au Sinaï à Moïse.
Vous imaginez ! La Parole de Dieu dans une caisse
!
Cette image de l'arche est souvent utilisée pour
associer à Marie, la dimension de vase, de
capacité, de contenant, d'espace, car elle est
cette cavité par excellence, cette enveloppe
fragile où le divin se plaît à loger.
La vierge ne reçoit pas le Verbe de Dieu en elle
à cause de son mérite ou de sa pureté, mais
elle le recueille, comme on recueille une goutte
de rosée sur une feuille, par sa qualité
d'écoute et de mise en pratique.
Et c'est ainsi qu'elle en devient la mère.
" Ce sont ceux qui écoutent ma parole et la
mettent en pratique qui sont ma mère, mon
frère, ma soeur ", dit Jésus.
Recueillir, récolter les paroles de vie qui nous
sont offertes.
Ecouter, c'est-à-dire accepter de recevoir
l'autre tel qu'il veut se donner, ne serait-ce
pas l'une des tâches les plus difficiles au
monde ?
Car seul peut écouter celui qui est, disponible,
vide de soi pour être tout à l'autre.
Seul peut être vide de soi celui qui n'a plus
peur, de lui-même, de Dieu, des autres.
Et seul peut ne plus avoir peur celui qui a pris
le risque de tout lâcher dans la parole,
c'est-à-dire celui qui a accepté d'être sa
pauvreté, sa fragilité, qui a reconnu qu'il
n'est pas plus qu'une caisse mal dégrossie, une
toile de tente raccommodée.
Marie peut écouter sans peur, car elle est
pauvre, c'est-à-dire qu'elle n'a rien à donner,
qu'elle n'a pas de palais à construire pour
Dieu, rien à bâtir.
Ou plutôt, c'est qu'elle n'a plus que deux
choses à pouvoir livrer qui n'en sont qu'une,
son corps et sa parole, qui en elle ne sont plus
qu'une chose, c'est-à-dire tout son être.
Mais pour pouvoir les donner, pour pouvoir se
donner, elle ne peut le faire qu'en s'ouvrant à
celui qui vient, qu'en recueillant la Bonne
Nouvelle qui survient, qu'en s'ajustant à celui
qui passe chez elle et que l'ange lui dévoile.
" Voici que tu vas concevoir et enfanter un
fils, le Fils du Très-Haut. "
Marie adhère à sa propre réalité, celle
d'être la demeure de Dieu, celle de laisser le
Verbe naître en elle.
" Qu'il m'advienne selon ce que tu m'as dit.
"
Dans ce consentement où tout son être
s'abandonne au divin qui se déploie en elle,
Marie naît à la Parole.
Frères et soeurs, nous pourrions voir en Marie,
une extra-terrestre, un petit prince venu d'une
lointaine planète, tombé de façon
prédestinée sur notre terre.
Ceci serait une grave illusion.
Marie est notre soeur et, son mystère d'accueil
est une invitation pour chacun d'entre nous à
emprunter une route semblable.
Si en Marie, toute l'épaisseur charnelle, toute
la chair devient Parole, c'est qu'elle a rendue
disponible son corps et son esprit l'Emmanuel,
c'est-à-dire qu'elle l'a totalement recueilli en
elle.
A nous aussi, tout est déjà proposé, mais nous
ne savons pas le recevoir. Nous n'osons pas le
recueillir.
Aujourd'hui, 2000 ans après, Dieu nous visite et
vient demander à éclore en nous.
Pour le lui permettre, nous avons découvert
ensemble et franchi trois étapes : - oser le
cri, avec le peuple - développer son désir de
changer, à l'annonce du prophète - prendre le
risque de voir autrement, pour entendre la voix
du témoin.
Survenant l'une après l'autre, chacune des
étapes a eu pour objet à nous disposer à être
cette habitation de la Trinité, qui cherche à
être accueillie chez nous pour nous donner sa
paix, sa joie, son amour, qu'elle est.
Frères et soeurs, puissiez-vous accepter
aujourd'hui d'être cette frêle tente qui
recueille ce message étonnant de l'ange : "
Dieu vientfaire sa demeure en toi. ",
puissiez-vous devenir ce creux qui entre en
dialogue avec d'autres creux.
Vivez dans l'action de grâce, car c'est
aujourd'hui que le Verbe se conçoit en vous,
pour que vous puissiez naître à nouveau, pour
que vous puissiez naître à la Parole. Amen.
frère
Thierry-Marie COURAU
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